Les travailleurs de l’ombre de l’IA : L’Afrique en première ligne

Alors que Paris accueille une série d’événements sur l’Intelligence Artificielle, le rôle clé des annotateurs de données, souvent basés en Afrique, refait surface. Ces travailleurs, véritables « petites mains » de l’IA, entraînent les algorithmes en étiquetant textes et images, un travail indispensable mais encore précaire.

Entre précarité et revendications au Kenya

Ephantus Kanyugi, ancien annotateur à Nairobi, témoigne des conditions difficiles de ce métier : rémunérations dérisoires, irrégularités de paiement et exposition à des contenus choquants. « Un jour, on annote des voitures, le lendemain des corps mutilés. Passer 13 heures par jour sur de telles images affecte la santé mentale », confie-t-il.

Face à cette réalité, plusieurs travailleurs kényans ont déposé une pétition au Parlement pour réclamer une meilleure protection de leurs droits. Joan Kinyua, présidente d’une association de travailleurs de l’IA, demande « une paie équitable, des conditions de travail dignes et un soutien psychologique adéquat », soulignant les profits colossaux des entreprises exploitant leurs services.

Madagascar, un pôle d’excellence dans l’annotation de données

À Madagascar, le secteur de l’annotation de données s’est structuré et jouit d’une solide réputation. Dans l’une des entreprises leaders du pays, des centaines de jeunes diplômés, spécialisés en diverses disciplines, contribuent à des projets internationaux. « Nos experts bluffent parfois des spécialistes étrangers, notamment en Medtech ou en observation satellitaire », explique Mathieu Debersée, directeur des opérations chez Ingedata.

Des médecins annotent des électrocardiogrammes pour améliorer les diagnostics cardiaques par IA, tandis que des ingénieurs analysent des images satellites pour optimiser l’usage des pesticides en agriculture.

Un secteur en pleine expansion

L’annotation de données, bien que méconnue, s’impose comme un levier de croissance et d’emploi pour l’Afrique. Si Madagascar s’est distinguée par son expertise, le Kenya amorce une structuration de la profession pour garantir de meilleures conditions de travail. L’enjeu ? Faire reconnaître ces travailleurs comme des acteurs clés de l’IA, essentiels à son développement global.